Quand les Angevins "guinchaient" au Welcome...
Après avoir présenté les cafés Serin et du Progrès, ancêtres du Welcome, dans le Vivre à Angers n° 247, voici maintenant lhistoire du Welcome lui-même, plaqué en 1930 devant les anciens cafés, et dont il réutilise une partie des salles.
Le Welcome est une création du restaurateur Armand Bouzy, fondateur de lAssociation culinaire de lAnjou et ami de Curnonsky. Né en 1887, il a fait ses « classes » internationales, dans les grandes maisons comme dans les grands hôtels, en Angleterre, à Berlin, au Danemark, puis à Paris, au Majestic, où officient quatre-vingts cuisiniers, la plus forte brigade de la capitale. Il est chef de partie. De retour à Angers, il prend la suite de Monicatty, qui avait un restaurant renommé rue des Deux-Haies. Le succès aidant, Bouzy passe commande dun vaste bâtiment sobre et lumineux à larchitecte André Mornet et sy installe en 1931. Le Welcome est né. Les grands salons du premier étage ont annexé les salles de lancien café Serin. Si bien situés au centre de la ville, au-dessus du restaurant réputé dArmand Bouzy, ils attirent immédiatement sous leurs grandes verrières soirées officielles ou privées du « Tout Angers ».
« Guincher »

Bals, conférences, concerts, réunions se succèdent. Outre les grands bals nocturnes, bals des étudiants, de lIntendance militaire
, on danse tous les dimanches au Welcome, de 17 à 21 heures. Le propriétaire des lieux, président de la Fédération régionale des cuisiniers et pâtissiers, ainsi que de lUnion départementale des hôteliers et restaurateurs, organise des manifestations gastronomiques. Les conférences se poursuivent pendant la guerre, comme celle donnée en février 1944 sur la musique allemande moderne, alors quen sous main, le Welcome servait de boîte aux lettres pour la France libre. Les fêtes reprennent en flèche après la Libération. Le grand bal de la Victoire, puis le dîner officiel en lhonneur du général Patton, libérateur de la ville (et en sa présence, arrachée de haute lutte par Germaine Canonne), sy déroulent en 1945. Dans laprès-guerre, les « manifestations chorégraphiques » du Welcome comptent pour beaucoup dans lanimation de la ville. Cétait dailleurs, avec le Lutétia de lavenue Pasteur, le seul endroit où lon pouvait « guincher ».
Les nuits dAngers
Le calendrier annuel des « Nuits » du Welcome, réglées chacune par des associations, écoles ou syndicats de la ville, est bien rempli : Nuits du Cinéma, de la Danse (par lAcadémie Letournel), de lÉlégance, des Parfums et de la Coiffure, du sport (SCO), du Cycle, de la Viticulture, vénitienne
Pour chacune, les salons reçoivent une décoration particulière. Lors de la Nuit du cinéma du 11 février 1951, la décoration bleue, léclairage au néon et la profusion de plantes vertes font ladmiration. Pour la nuit de la Saint-Valentin 1959, dix mille fleurs transforment les salles en une merveilleuse serre.
Au faîte de la consécration, Armand Bouzy reçoit le 31 mars 1953 la croix de chevalier de la Légion dhonneur des mains du président national de lUnion des hôteliers. Son uvre de formation des apprentis cuisiniers angevins est particulièrement distinguée. Il est aussi à lorigine de la mutualité dans les métiers culinaires. En 1957, le Welcome sacrifie ses colonnes dorées art déco pour un ensemble moderne, aux dominantes cyclamen et jaune. Beaucoup de futurs chefs cuisiniers font leur apprentissage au « piano » du Welcome et voyagent ensuite, transportant le savoir-faire français et angevin dans le monde entier. En 1959, la direction de lhôtel Pierre à New-York dédie son menu à Armand Bouzy pendant une semaine : « Alose à langevine », « Fricassée de poulet dAnjou », « Surprises de frivolités du Val de Loire », crémets dAngers
Le grand chef angevin possédait une belle collection de menus américains.
Fermeture
À son décès le 5 août 1960, le restaurant est repris par ses deux fils, Robert et Roger. Mais les temps ont changé, les bals sont de plus en plus délaissés. Le Welcome est abandonné par sa clientèle. Lors de sa mise en vente en 1963, la Fédération mutualiste de Maine-et-Loire se porte acquéreur pour y transférer sa pharmacie. Mais où désormais les Angevins trouveront-ils des salles de belles proportions et bien situées pour organiser leurs réunions et expositions ? On vient de démolir le Grand-Cercle. Il ny a pas pléthore de possibilités. Le transfert est refusé par arrêté préfectoral du 6 mars 1964.
Définitivement fermé en 1965, le Welcome est racheté par la Ville dAngers en 1966 pour y installer son « foyer des vieux travailleurs », à létroit rue Saint-Blaise. Le premier étage est loué en 1967 aux services administratifs de lentreprise Braud (machines agricoles). De son côté, lOffice municipal des Sports, nouvellement créé, est hébergé en 1967 dans une autre partie des bâtiments. Tout le rez-de-chaussée est affecté en 1970 au foyer des retraités dAngers-Centre, tandis que le premier étage retrouve sa vocation de salles de réception. Là est inauguré Anjou-Club en 1968. Là se déroule en 1974 le souper des cérémonies du jumelage avec Bamako. On y projette un musée dédié à Curnonsky, plus grand que la petite salle inaugurée au musée Saint-Jean en 1973. Les salons lui sont dédiés en 1975, mais le musée reste dans les cartons.
Pour accompagner lévolution de la société et répondre aux attentes des 27 000 retraités angevins, un Espace Welcome destiné à la retraite active est inauguré par Jean Monnier et Robert Robin le 13 mars 1993, après quinze mois de travaux de rajeunissement de limmeuble. Au rez-de-chaussée, laccueil et les salles dactivités, au premier étage les espaces de réception traditionnels et, dans lancien immeuble de 1859, salles de réunion et bureaux. Un Welcome bien rempli !
Sylvain Bertoldi
Conservateur des Archives dAngers
(Vivre à Angers, juillet 2001)